Au Maroc, les femmes pêcheuses adoptent de nouvelles pratiques résistantes aux changements climatiques
Une story d'ONU Femmes Maroc.
Au Maroc, les changements climatiques sont désormais au cœur des préoccupations politiques, tant au niveau national que local, mais leur gestion nécessite une réponse collective. L’inclusion des femmes et des filles dans la conception et la mise en œuvre des mesures de lutte contre les changements climatiques est essentielle pour aborder les questions de l’adaptation aux changements climatiques, de leur atténuation et pour mettre en place des solutions visant à un développement durable et à l’égalité des sexes.
Équipées d’un seau, d’un panier, d’un couteau et de bottes, quand elles en possèdent, les femmes pêcheuses, généralement âgées de 45 à 60 ans, se dirigent à l’aube vers le pied des falaises où la tâche ardue de récolte des coquillages les attend. Sur la route allant vers les falaises, qui s’étendent sur plus de 20 km, un panneau rudimentaire autorise la récolte de fruits de mer. Le trajet de 10 km dure près de deux heures dans les deux sens, mais leur espoir de rentrer chez elles avec une bonne récolte est inébranlable.
« Avec une lame fine et un couteau, je gratte la roche tout en respectant et en protégeant l’habitat de l’espèce », explique Fatima Azdoud, vice-présidente de la coopérative Mahar Assahel, créée en 2019 afin de soutenir les femmes pêcheuses locales et de faire connaître leurs besoins, tels que la mise à leur disposition de moyens de transport ainsi que d’un espace de travail à proximité de la mer. « En quelques minutes, mon panier commence à se remplir. »
Une fois les coquillages récoltés, ils sont nettoyés, cuits et séchés au soleil avant d’être proposés à la vente le long de la route. Selon leur disponibilité, les femmes peuvent gagner entre 200 et 300 dirhams par mois, le demi-kilo se négociant au prix de 40 dirhams. Bien que les coquillages soient plus abondants de mai à juillet, le fait qu’ils sont relativement sédentaires et que leur récolte est possible toute l’année signifie qu’il s’agit d’une source de revenu fiable pour les femmes pêcheuses.
« Les revenus sont modestes, mais ils nous permettent de compléter le revenu mensuel pour acheter de la nourriture », explique Fatima Azdoud, qui a 28 ans et est présidente de la coopérative. Il s’agit également d’une bonne source de nourriture, riche en protéines, pour leurs familles.
Quelle que soit la période considérée, la récolte de fruits de mer est un travail difficile et pénible, compte tenu de la durée des jours de travail et des risques auxquels les femmes pêcheuses sont exposées. Chaque jour, pendant des périodes de plus de cinq heures, elles sont couvertes d’eau de mer et font face à des blessures dues au déplacement autour des roches et aux bords tranchants des coquilles. Les risques sont élevés, jusqu’à l’éventualité d’être entraînées dans l’océan lorsque la marée est haute.
« Nous n’avons pas le choix », confie Fatima Azdoud. « Cela fait très longtemps que nos mères et nos grands-mères ont fait ce métier. C’est ce à quoi nous avons été familiarisées dès notre plus jeune âge. »
Pour les femmes pêcheuses telles que Fatima Azdoud, cette relation étroite avec les coquillages qui se transmet de génération en génération devient un ensemble de connaissances historiques et naturalistes qui leur permet d’évaluer leur environnement et d’identifier la façon dont il change en vue d’optimiser leur travail. Toutefois, au cours des dix dernières années, les habitantes de Tiguert ont observé la perturbation des écosystèmes et des organismes marins due aux changements climatiques. En conséquence, elles ont intégré des pratiques durables dans leur travail quotidien en vue de protéger l’environnement, tout en obtenant une source de revenu pour subvenir aux besoins de leur famille. Par exemple, au lieu d’utiliser du bois de chauffage forestier pour cuire les crustacés, de nombreuses femmes optent maintenant pour des fours solaires.
« Nous devons changer notre façon de travailler en utilisant les technologies modernes permettant de respecter l’environnement, de préserver les ressources, d’optimiser notre performance technique et économique, ainsi que d’économiser l’eau et les ressources en bois tout en nous adaptant aux changements climatiques », explique Fatima Azdoud. « [De cette façon, nous pouvons] nous rapprocher des exigences de la communauté et des besoins du marché vert et durable. »
Pour répondre à ces besoins, ONU Femmes place les femmes pêcheuses au centre de tout effort d’adaptation, d’atténuation et de gestion des risques liés aux catastrophes naturelles, tout en améliorant leur vie et leur résilience. Cela comprend la réalisation d’une économie de la pêche respectueuse du climat. Dans le cadre de ce travail, ONU Femmes a fourni aux femmes pêcheuses du matériel écologique et sanitaire conçu pour la récolte et également pour assurer le retour des jeunes coquillages dans leur habitat afin de réduire leur perte entraînée par une pêche non sélective. En outre, ONU Femmes a également fourni aux femmes pêcheuses des combinaisons de pêche en néoprène, renforcées au niveau des genoux et des coudes pour les protéger contre les blessures mineures et aider à maintenir leur température corporelle.
« Le projet a ciblé l’amélioration des capacités de 650 femmes pêcheuses en matière de leadership, d’esprit entrepreneurial et de connaissances sur les pratiques de gestion durable de la pêche, ainsi que leur résilience financière. Elles ont appris les techniques modernes de transformation des produits de la mer et la compréhension de leur rôle dans la protection des ressources halieutiques », déclare Leila Rhiwi, Représentante d’ONU Femmes au Maroc. « Au-delà des retombées économiques, l’égalité des sexes et la participation des femmes pêcheuses sont des conditions nécessaires pour une société ouverte, inclusive et solidaire. »
En juillet 2021, ONU Femmes, en collaboration avec le Département des pêches maritimes et avec le soutien financier du gouvernement du Japon, a organisé un atelier sur la pêche durable dans le village côtier de Oualidia. Parmi les sujets abordés figuraient les méthodes de récolte saines, les zones de pêche autorisées et les périodes de repos biologique, le tout dans le but d’assurer la préservation de ces ressources naturelles pour les générations futures. Fatima Azdoud, qui était l’une des participantes à cet atelier, a partagé les connaissances qu’elle a acquises auprès des femmes pêcheuses de la coopérative.
« De nombreuses femmes pêcheuses n’omettent pas de dire au revoir à leurs proches [avant de se diriger vers les falaises], appréhendant l’éventualité de ne pas rentrer chez elles », confie Fatima Azdoud. Pour elle, la mer est source de joie et de tragédie, mais aussi d’autonomie économique. « Malgré [les difficultés à surmonter], pour ces femmes, l’appel de la mer est un impératif de survie ainsi qu’une voie vers la liberté. »