Si les réfugiés reconnus par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sont en mesure de bénéficier de droits spécifiques liés à leur statut, l’absence de législation marocaine en matière d’asile limite leur protection et leur insertion effective dans la société, tout comme leur exclusion formelle du marché du travail favorise leur extrême précarité. Le HCR a ainsi conclu en 2007 un partenariat avec l'Association marocaine d'appui à la promotion de la petite entreprise (AMAPPE) afin d’aider les réfugiés à améliorer leur situation économique et sociale. Cela se concrétise par le financement, l’accompagnement et le suivi des activités génératrices de revenus (AGR) créées par les réfugiés dans l’optique de faciliter l’insertion socio-professionnelle de ces derniers au sein de la société marocaine. En 2014, l’AMAPPE a conduit 66 études de faisabilité et financé 63 micro-projets impliquant 69 réfugiés. Afin d’accompagner les réfugiés dans la réalisation de leurs projets, des citoyens marocains s’impliquent dans le suivi des AGR et vont au-delà du simple accompagnement, leur permettant ainsi de tisser des liens profonds avec les porteurs de projets.
Parmi eux, Reda, 31 ans et originaire de la région de Rabat, et Imane, 23 ans et originaire de Fès, tous deux conseillers d’entreprise au sein de l’AMAPPE.
Reda, 31 ans : « Comprendre les réfugiés pour mieux les aider »
Titulaire d’un Master en commerce international de l’Université Mohammed V à Rabat, Reda a connu une première expérience dans l’accompagnement de personnes vulnérables à travers son rôle de formateur à l’UNOPS.
« Mon objectif était de former des marchands ambulants et de les aider à créer leur entreprise. Grâce à cette expérience, j’ai compris le sens du proverbe chinois ‘si un homme a faim, ne lui donne pas un poisson mais apprends-lui à pêcher’. J’apprécie d’être en mesure d’aider une personne à créer son projet. »
Selon Reda, parmi les difficultés auxquelles font face les réfugiés dans leurs projets figurent le besoin de formation pour comprendre le comportement et les attentes des clients marocains, tout en conservant les spécificités de leurs régions d’origine qui sont un atout. A ce titre, Reda cite l’exemple de deux réfugiés syriens ayant lancé une usine d’aluminium à Kénitra au nord de Rabat. « Leur projet est un succès : ils intègrent les modèles marocains mais importent des matières premières de Jordanie, leurs produits sont très demandés par les clients marocains. »
Mais au-delà de l’aspect purement professionnel, Reda explique que son rôle au sein de l’AMAPPE lui a permis d’avoir une vision plus objective de la situation des réfugiés subsahariens : « Les préjugés dans la société marocaine véhiculent l’image de réfugiés qui ne peuvent rien apporter. Au contraire, ceux-ci ont des compétences, peuvent mener à bien des projets et même créer des emplois pour les marocains. » Mais cet apport indéniable à la société est, selon Reda, conditionné à une chose : « que l’on prenne le temps de comprendre les parcours des réfugiés. Souvent, on s’aperçoit que la première chose dont ils ont besoin, c’est d’être écoutés et de trouver quelqu’un en qui avoir confiance. »
Imane, 23 ans : « Percevoir l’avancée du projet est une grande satisfaction personnelle »
Lors de ses études en gestion des affaires sociales à l’Institut national de l’action sociale (INAS), Imane a très tôt été en contact avec le milieu associatif de Tanger qui vient en aide à des personnes vulnérables, notamment des femmes et des enfants. C’est lors d’un acte de bénévolat à Agen (France) en avec l’association Emmaüs qu’Imane a effectué sa première rencontre avec des réfugiés.
« J’ai travaillé sur un chantier qui avait pour objectif de construire des hébergements pour des personnes réfugiées. Des jeunes français, algériens, tunisiens et marocains comme moi ont travaillé pendant les deux mois d’été, ce fut une très bonne expérience pour comprendre la véritable situation des réfugiés et aller au-delà des préjugés ».
Evoluer au sein de l’AMAPPE a ainsi conduit Imane à prolonger le travail d’assistance entrepris auprès de réfugiés qui sont très souvent dans un état psychologique difficile. Selon elle, « percevoir l’avancement du projet mais surtout l’amélioration de l’état psychologique du réfugié depuis la première rencontre est une grande satisfaction, humainement cela m’apporte beaucoup. » Imane ne ménage pas ses efforts et rend visite aux porteurs de projet en-dehors de ses heures de travail, le soir ou même le dimanche. C’est ainsi que les réfugiés se sentent enfin considérés et peuvent percevoir le Maroc comme une terre d’accueil, explique la jeune marocaine.
Au vu du contexte socio-économique toujours difficile au Maroc, certains jeunes ne comprennent pas pourquoi l’on vient en aide aux réfugiés alors qu’eux-mêmes sont dans le besoin. Sur ce point, Imane juge le manque de sensibilisation du jeune public marocain comme vecteur de l’incompréhension qui existe vis-à-vis des réfugiés mais se veut optimiste : « Les jeunes marocains lisent de plus en plus, s’informent et s’intègrent au tissu associatif, les mentalités changent. Surtout, il ne faut pas oublier que la solidarité est à la base de la société marocaine ».