Mot de Mme. Sylvia Lopez-Ekra, Coordinatrice Résidente du Système des Nations Unies au Maroc à l'occasion de la table ronde organisée sur la promotion des masculinités positives.
Discours prononcé le lundi 7 mars 2022 à Rabat.
- Monsieur le Président de la Fondation Diplomatique
- Madame la Ministre de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la Famille (Mme Aawatif Hayar)
- Monsieur le Ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication (M. Mehdi Bensaid)
- Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués invités,
- Madame la Représentante d’ONU Femmes au Maroc, ma chère collègue Leila
- Cher.e.s panelistes,
- Cher.e.s invités, Mesdames et messieurs, en vos titres et qualités
C’est un honneur pour moi d’être parmi vous aujourd’hui, la veille de la Journée Internationale des droits des Femmes, commémorée cette année encore dans un contexte troublé.
J’aimerais tout d’abord remercier Monsieur le Président de la Fondation Diplomatique, qui réunit les Femmes Ambassadeurs à cette occasion depuis plusieurs années, d’avoir accepté sans aucune hésitation mais au contraire avec beaucoup d’enthousiasme, de le faire conjointement en 2022.
Je tiens également à exprimer en notre nom à tous, si vous me le permettez, nos sincères remerciements, à Madame la Ministre de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la Famille, ainsi qu’à Monsieur le Ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, de nous honorer de leur présence et pour leur leadership et engagement en faveur des droits des femmes et des jeunes filles.
Chaque année, le 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes est célébrée à travers le monde, pour nous rappeler que le chemin est encore long dans notre quête pour plus d’égalité et de droits pour les femmes. Bien que nous trouvions déjà que nous n’avancions pas assez vite, la pandémie de COVID-19 est venu rendre notre parcours encore plus ardu et plus escarpé. Certains acquis péniblement gagnés au fil des ans sont en recul. Les indicateurs préoccupants sont nombreux, allant de l’augmentation de la violence à l’égard des femmes à l’augmentation du fardeau des soins non-rémunérés qui nous le savons freinent la participation économique de ces dernières.
Madame la Ministre, je profite de cette occasion pour vous exprimer, au nom du Système des Nations Unies pour le Développement, notre soutien indéfectible pour la réalisation des mandats si importants de votre Ministère.
La situation est préoccupante donc. Il n’y a pas de temps à perdre, nous devons accélérer le changement, et c’est la raison pour laquelle cette année, le thème que nous avons choisi d’aborder pour cette rencontre est celui des masculinités, ces formes socialement construites qui définissent ce que c’est que d’être un homme dans une société donnée.
Pourquoi le choix de ce thème ?
Principalement parce que malgré leur position dominante dans nos sociétés, la participation des hommes dans les actions et initiatives visant à promouvoir l’égalité des sexes n’a pas encore atteint son plein potentiel. Pourtant l’égalité des sexes n’est pas une problématique exclusivement féminine mais qui devrait et doit nous concerner toutes et tous.
Ainsi, nous voulions pallier à ce manque, en ouvrant un espace pour initier une réflexion. Qu’est-ce que cela implique d’être un homme dans nos sociétés ? Y a-t-il des conséquences néfastes qui peuvent en découler, tant pour les hommes que pour les femmes et pour la société en général ? La réponse est clairement oui et nous le savons tous, mais je laisserais ma collègue Leila Rhiwi, Représentante d’ONU Femmes au Maroc que je remercie, nous en parler plus longuement dans un instant.
Combien de fois encore aujourd’hui entendons-nous dire aux petits garçons qu’un homme ne pleure pas ? Combien d’hommes souhaitent passer plus de temps avec leurs enfants mais ne le peuvent pas ? Combien d’hommes n’osent pas demander de l’aide face à des difficultés en matière de santé mentale ? Le pouvoir des hommes a un prix et ce prix est élevé, même pour les hommes.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Eclairer ces effets délétères des masculinités, est un moyen de faire ouvrir les yeux à nos sociétés, d’encourager une transition vers des masculinités plus positives et de mobiliser plus d’hommes en faveur de l’égalité des sexes, en démontrant qu’ils ne seront pas perdants dans un monde plus juste et plus égal, bien au contraire.
Comme l’a souligné M. Antonio Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies, un féministe décomplexé, dont nous sommes tous fiers, dans son message à l’occasion de cette journée des droits des femmes et je cite « L’inégalité de genre est par essence une question de pouvoir, car notre monde et notre culture sont dominés par les hommes. Il est temps d’inverser les rapports de force. » Fin de citation.
Je me permets d’ailleurs de signaler que son message porte non pas sur les masculinités mais sur le thème global de cette année à savoir les femmes et le changement climatique, signe que l’on ne peut aujourd’hui parler de droits des femmes sans aborder la question des rapports de force profondément enracinés dans nos sociétés.
Ainsi, à travers ce panel et je l’espère le riche échange qui va suivre, nous souhaitions aborder les enjeux mais également mettre en lumière des solutions, des bonnes pratiques et des opportunités prometteuses dans la promotion de formes plus progressistes de masculinité aux niveaux individuel, interpersonnel, institutionnel et sociétal. Bonnes pratiques marocaines et internationales, développées par la société civile, par différentes agences des Nations Unies avec en tête ONU Femmes, ainsi que par beaucoup de pays que vous représentez ici aujourd’hui.
Nous avons énormément à apprendre les uns des autres, dans le respect mutuel et la réalisation qu’aucun pays n’a aujourd’hui encore atteint ces objectifs. C’est dans cet esprit que je me réjouis d’écouter notre panel ainsi que les contributions de nos ambassadeurs, hommes et femmes.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Avec cette rencontre, nous espérons également partager le message fort, qu’adopter une approche plus positive des masculinités, ne constitue en aucun cas l’importation d’un modèle. C’est aussi pour envoyer ce message que l’Union africaine a organisé l’année dernière la première Conférence des hommes sur la masculinité positive. Cette conférence était présidée par 12 Chefs d’État et de gouvernement africains.
A la fin de la conférence, ils ont adopté la déclaration de Kinshasa qui appelle et je cite « les hommes à être des rôles modèles pour les garçons, afin que les hommes leaders de demain s’approprient les valeurs fondamentales qui définissent les expressions positives de la masculinité en Afrique ».
Cet appel est lancé aux hommes politiques et hauts dirigeants de gouvernement, aux hommes à la tête des affaires et du secteur privé, aux chefs traditionnels et religieux, aux dirigeants masculins du milieu universitaire, aux leaders masculins dans l’industrie du divertissement et des sports, aux journalistes masculins et aux jeunes hommes.
Et j’aimerai m’arrêter un instant sur la question des jeunes hommes. Le constat dans plusieurs pays du monde est clair, le changement de mentalité ne se fait pas automatiquement auprès de notre jeunesse. Lorsque rien n’est fait, les jeunes n’ont pas nécessairement des attitudes plus favorables à l’égalité que leurs ainés. Et c’est la raison pour laquelle nous sommes particulièrement heureux de vous avoir avec nous Monsieur le Ministre, car les trois portefeuilles de votre ministère, jeunesse, culture et communication, sont trois clés incontournables pour un progrès durable en matière de masculinités positives. Des clés qui nous permettront d’élever une nouvelle génération de garçons qui deviendront des hommes qui contribueront à mettre fin à la violence contre les femmes et les filles, une fois pour toutes. Nous savons votre engagement, votre vision. Nous comptons sur vous, et vous pouvez compter sur nous Monsieur le Ministre.
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de clore, avec deux messages. Un premier pour les hommes dans la salle. Merci d’être là. Mon message est une invitation à utiliser votre participation à cette rencontre pour découvrir de nouveaux moyens de changer les attitudes masculines néfastes envers les femmes et les filles à votre niveau, en devenant des alliés et en mobilisant de nouveaux alliés dans vos cercles d’influence personnels et professionnels. Et j’aimerai ici rendre hommage aux hommes de notre panel, qui ont eu ce courage, et ont été pionniers dans ce domaine, alors que le concept même était encore inconnu et qui chaque jour changent les choses sur le terrain.
Mon deuxième message et je m’arrêterais là est pour nous tous. La COVID-19 nous a fait dévier de notre trajectoire. C’est vrai. Mais nous n’étions déjà pas sur la bonne voie avant le début de la pandémie. En cela, cette crise peut constituer au-delà des souffrances qu’elle a engendré, une fenêtre d’opportunité pour rompre avec le passé, en ce qu’il avait d’iniquités, et imaginer un nouveau monde. Une passerelle vers ce nouveau monde consiste à œuvrer ensemble pour transformer les masculinités.
Nous pouvons le faire. En remettant en question les idées restrictives sur ce que signifie être un homme, de nouveaux espaces et de nouvelles opportunités pourront être créés pour que toutes et tous, femmes, hommes, filles et garçons puissent atteindre leur plein potentiel et contribuer à la relance et à l’avènement d’un développement durable.
Au nom de l’équipe des Nations Unies au Maroc, je réitère notre engagement à continuer à œuvrer aux côtés du Royaume pour un monde meilleur, pour toutes nos femmes et toutes nos filles.
Je vous remercie de votre attention.