A l’occasion de la campagne de 16 jours d’activisme pour un monde sans violence contre les filles et les femmes, ONU Femmes met en avant les voix de survivantes et les programmes qui transforment les vies et les communautés
Croyez les survivantes. Agissez maintenant. L'histoire de Layla, au Maroc
Dans le monde, seule une femme sur dix qui survivent à des violences demande l'aide de la police. Même celles qui le font se retirent souvent du processus de justice en raison des mauvaises réponses de la police ou d'autres acteurs judiciaires, note ONU Femmes. L'accès des femmes à la justice commence par le fait de croire les survivantes et d'agir, chaque jour.
« Il m'a dit qu'il était amoureux de moi et qu'il prévoyait de me demander en mariage bientôt. Je lui ai fait confiance », raconte Layla Bennani (le nom a été changé pour protéger l'identité de la survivante) à propos de sa relation avec le chef d'une entreprise pour laquelle elle travaillait.
« Mais il me frappait dès que j'étais en désaccord avec lui. J'ai tout enduré, de la violence sexuelle à la violence psychologique. Il devenait de plus en plus violent au fil des jours. Il avait un contrôle total sur moi. Il m'a fait croire que je n'avais aucune chance contre lui », raconte-t-elle.
Lorsqu'elle s'est finalement rendue à la police, accompagnée d'un ami, Bennani ne savait pas à quoi s'attendre.
« J'étais à un stade de ma vie où plus rien ne semblait avoir d'importance. J'étais enceinte, célibataire et seule. J'avais peur que [la police] ne me croie pas », explique-t-elle.
Selon une enquête nationale de 2019, seules 3 femmes sur 100 ayant subi des violences sexuelles signalent les incidents à la police au Maroc. La peur de la honte et d’être blâmée par la police ainsi que le manque de confiance dans le système judiciaire découragent la plupart des femmes de demander de l'aide.
Au grand soulagement de Layla Bennani, une femme officier de police l'a accueillie à l'Unité de police pour les femmes victimes de violence.
« La première chose qu'elle m'a dite, c'est qu'il y a une solution à tout. Je ne l'oublierai jamais. C'est devenu ma devise dans la vie. Ses paroles m'ont encouragée à lui raconter toute l'histoire. Elle m'a écouté avec beaucoup de soin et d'attention », dit-t-elle.
« À l'époque, je ne me sentais pas sûre, pas en sécurité... La rencontrer m'a fait comprendre que j'avais encore une chance de retrouver ma vie », se souvient Layla Bennani à propos de son premier contact avec l'unité de police.
Elle a été orientée vers un foyer local pour mères célibataires, où elle a eu une seconde chance. « Il y a deux ans, ma fille est née. Elle est mon espoir. Son nom en arabe signifie 'résistance'. Récemment, j'ai obtenu ma licence en mathématiques. J'étudiais tout en m'occupant de mon bébé au foyer pour mères célibataires », dit-elle en tenant la main de sa fille.
Ce qui fonctionne pour mettre fin à la violence sexiste
L'instauration de la confiance dans la police fait partie intégrante de la prévention de la criminalité et de la sécurité communautaire, souligne ONU Femmes.
Lorsque des policiers formés professionnellement traitent les cas de violence sexiste, les survivantes sont plus susceptibles de signaler les abus et de demander justice, ainsi que des services sanitaires et psychosociaux.
Ces services essentiels contribuent à briser le cycle de la violence en aidant les survivantes, leurs familles et leurs communautés à guérir, tout en faisant comprendre clairement aux femmes et aux communautés que cette violence est un crime punissable.
Au cours des dernières années au Maroc, la Direction générale de la sécurité nationale, soutenue par ONU Femmes et avec un financement du gouvernement du Canada, a restructuré la police nationale pour mieux soutenir les femmes survivantes et prévenir la violence à l'égard des femmes.
En 2018, les unités de police pour les femmes victimes de violence dans 132 postes de police ont été entièrement repensées. En plus des tâches d'enquête, les unités se concentrent désormais sur l'amélioration de l'expérience du premier contact des femmes avec la police en écoutant, enregistrant, accompagnant et référant les cas.
Les 440 commissariats de district disposent désormais d'un personnel spécialisé qui oriente les femmes survivantes vers l'unité spécialisée la plus proche. Le programme de quatre ans a également permis de former des chefs de police et de supprimer bon nombre des obstacles auxquels les femmes survivantes étaient initialement confrontées.
Par exemple, les survivantes peuvent contacter directement le chef de la police ou le chef des unités. « Il faut beaucoup de détermination et de courage aux femmes pour demander le soutien de la police », explique Saliha Najeh, cheffe de police à l'Unité de la police de Casablanca pour les femmes victimes de violence. « Notre rôle est de donner aux survivantes tout le temps dont elles ont besoin pour se sentir en sécurité et à l'aise, et pour qu'elles nous fassent suffisamment confiance pour raconter leur histoire », précise-t-elle.
Najeh a reçu une formation spécialisée dans le cadre du programme d'ONU Femmes et forme désormais les officiers de police de son unité sur la manière de traiter les cas de violence sexiste, en utilisant une approche centrée sur la survivante.
En 2021, 30 officiers de police supérieurs et chefs d'unités ont été formés par le biais du programme.
Lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé, la police marocaine était prête à soutenir les survivantes de la violence dans le cadre de cette crise mondiale sans précédent.
Alors que de nombreux autres services essentiels ont été fermés, les unités de police pour les femmes victimes de violence et les tribunaux sont restées ouvertes. En outre, le Maroc a élargi les canaux permettant aux victimes de signaler les violences et d'accéder à la justice à distance, grâce à une ligne d'assistance gratuite accessible 24 heures sur 24, à un mécanisme électronique de dépôt de plaintes et à des sessions de tribunal en ligne.
Des efforts ont également été déployés récemment pour réformer les lois du pays. Le Code pénal marocain criminalise les relations sexuelles hors mariage, ce qui dissuade les femmes non mariées et les survivantes de viols de signaler les abus.
ONU Femmes a soutenu une coalition de 25 organisations de femmes qui plaident pour un changement de la loi. Un mémorandum joint à un projet de loi qui a été soumis au Parlement en 2019 et 2020, demande une protection égale pour les survivantes de la violence, une définition claire du viol, y compris le viol conjugal, et décriminalise les relations sexuelles hors mariage.