La fracture numérique entre les sexes dans la région MENA l'innovation en temps de crise
Malgré une augmentation du niveau d'instruction des femmes, les femmes de la région MENA restent surreprésentées dans les secteurs informels
Sana Afouaiz est une militante primée pour l'égalité des sexes et une conférencière sur le féminisme et les questions relatives aux femmes. Elle est l'auteur du livre « Les femmes invisibles du Moyen-Orient[1] ». Elle est actuellement directrice de Womenpreneur , où elle dirige un hub numérique avec une communauté de 15 000 membres dans 20 pays, visant à faire progresser l'entrepreneuriat des femmes et leur participation à la technologie, à l'innovation et à la société dans la région MENA. Sana est également membre de l'Agora de l'innovation en matière de genre d'ONU Femmes.
La région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA), comme le reste du monde, subit une profonde transformation de la société, de l'industrie et de l'économie en raison des progrès rapides des secteurs technologiques et numériques. Ces développements, cependant, risquent de laisser les femmes de côté en raison d'une fracture numérique persistante entre les sexes qui entrave les capacités des femmes à accéder aux services essentiels, à naviguer dans le monde numérique de manière sûre et efficace, à participer à l'économie numérique et à accéder à la libre circulation des données et des informations. Alors que nous continuons à faire face aux répercussions de la pandémie mondiale, la fracture numérique entre les sexes est plus importantes que jamais.
Bien que la pandémie ait fortement touché toutes les populations, les femmes de la région MENA, en particulier les femmes marginalisées, sont davantage vulnérables aux répercussions économiques de la crise sanitaire mondiale. Malgré une augmentation du niveau d'instruction des femmes, les femmes de la région MENA restent surreprésentées dans les secteurs informels, elles sont souvent cantonnées dans les soins non rémunérés et le travail domestique entravant leur accès à une activité économique. Cela expose les femmes à un risque plus élevé de fardeau supplémentaire du fait des restrictions liées au confinement imposées.
En effet, malgré les tendances suggérant que les taux de participation économique augmentent, la région MENA représente toujours le taux de participation des femmes au marché du travail le plus bas au monde. Un rapport récent du Forum économique mondial suggère que 16 pays de la région MENA ont un taux de participation des femmes inférieur à 50 pour cent, d'autres pays faisant état de taux inférieurs à 20 pour cent, y compris le Yémen, qui a le taux le plus bas de participation des femmes au marché du travail (6,3 pour cent).
Un facteur supplémentaire affectant la capacité des femmes à entrer sur le marché du travail est le progrès rapide que connait le secteur numérique limité par la fracture numérique persistante. Des sondages récents révèlent que la fracture numérique affecte de manière disproportionnée les femmes de la région MENA, suggérant qu'il y a 56% de chances que les femmes de la région MENA ne soient pas considérées comme des « internautes ». Cette prédiction reflète les normes culturelles de la région, où les rôles de genre, les préjugés et les traditions constituent des obstacles supplémentaires pour les femmes qui acquièrent les compétences nécessaires pour participer pleinement à l'économie numérique. Pour éviter d'exclure les femmes de l'activité économique, des efforts doivent être faits pour inclure les femmes à la fois dans la main-d'œuvre rémunérée et dans l'économie numérique.
Ainsi, les actions devraient se concentrer sur l'augmentation de la culture numérique et des ressources de formation en ligne qui permettent aux femmes d'acquérir les compétences nécessaires pour participer à l'économie numérique et se remettre des effets économiques de la pandémie.
Éducation et formation inclusives accessibles
L'accessibilité est essentielle pour offrir des programmes et des services ciblant les populations les plus défavorisées, afin de garantir que les barrières linguistiques et la connectivité Internet n'entravent pas davantage la capacité des femmes à accéder aux compétences, aux connaissances et à l'emploi.
En outre, les opportunités d'acquérir un large éventail de compétences sont essentielles, non seulement pour obtenir un emploi, mais pour naviguer sur Internet en toute sécurité et en toute confiance, utiliser les services numériques pour augmenter son efficacité et accéder aux services et connaissances essentiels. Ainsi, le développement des compétences non techniques est tout aussi essentiel à la participation économique et sociale que le développement des compétences techniques.
Alors que les pays du monde entier continuent d'élaborer des plans de relance COVID-19, il est impératif que des mesures soient prises pour lutter contre la fracture numérique entre les sexes au sein de la région MENA afin de renforcer la participation des femmes à l'économie numérique, plutôt que de les exclure. À mesure que l'investissement et le développement du secteur numérique progressent, les opportunités d'éducation et de formation doivent rester une priorité - en particulier celles qui sont inclusives et complètes - afin de résoudre le problème plus important de l'inégalité entre les sexes dans tous les pays de la région MENA.
[1] Sana Afouaiz, 2018. Invisible Women of the Middle East: True Stories