Casablanca : vers une ville sûre pour les marchandes ambulantes et les vendeuses de rue dans les espaces publics
Une histoire d'ONU Femmes Maroc
Casablanca, métropole dynamique est un lieu où il n’est pas inhabituel de voir un grand nombre de femmes gagner leur vie comme marchandes ambulantes et vendeuses de rue. Cependant, quotidiennement, elles font face à plusieurs formes de violences dans les espaces publics. Selon le Haut-Commissariat au Plan (2019), la prévalence de la violence dans les espaces publics est particulièrement élevée dans certaines régions du Royaume, notamment à Casablanca-Settat (71,1%), où les femmes et les filles sont confrontées chaque jour à des discriminations et violences parce qu’elles sont femmes.
Pour répondre à ces défis, l'Association Tahadi pour l'Egalité et la Citoyenneté (ATEC), en collaboration avec ONU Femmes et avec le soutien de l'Agence Espagnole pour la Coopération Internationale au Développement (AECID), a lancé le projet "Casablanca, ville sûre pour les marchandes ambulantes et les vendeuses de rue dans les espaces publics". Cette initiative, inaugurée le 10 mai 2024 en présence du Conseil de la ville de Casablanca et des présidents des arrondissements de Hay Mohammadi et de Maârif, vise à améliorer la sécurité et les conditions de travail des femmes vendeuses ambulantes dans ces espaces.
Une des actions clés de ce projet a été l'organisation de focus groupes auprès de 40 femmes, marchandes ambulantes et vendeuses de rue, travaillant dans les arrondissements de Hay Mohamadi et Derb Ghellef. Ces zones ont été ciblées en raison de l’activité commerciale qu’elles représentent et de la forte concentration de ces femmes sur les sites. Les besoins exprimés par certaines d’entre elles ont également motivé ce choix.
“Le projet propose une approche intégrale englobant différentes dimensions d´une manière complémentaire : Renforcement des capacités, sensibilisation, conscientisation, accompagnement, plaidoyer, création de la synergie et du travail en commun pour lutter contre les violences à l’égard des femmes et des filles dans les lieux publics et renforcer leur autonomisation économique.” Bouchra Abdou, Présidente de l’Association Tahadi pour l'Egalité et la Citoyenneté
Les focus groupes ont permis de recueillir des témoignages sur les différentes formes de violence subies, les défis quotidiens et les besoins urgents de ces femmes pour qu’elles jouissent notamment de leur plein droit à l’espace public. Les échanges ont mis en lumière le sentiment d’insécurité omniprésent et les obstacles économiques et sociaux qui exacerbent leur vulnérabilité. Les violences commises par la clientèle et les discriminations provenant des hommes partageant les lieux publics de commerce sont des réalités quotidiennes pour ces femmes.
Yousra, 24 ans, une des bénéficiaires de ce projet, n'a pas réussi à trouver un emploi après avoir obtenu son diplôme d'infirmière polyvalente. Elle a donc décidé de suivre les traces de son père défunt et de devenir vendeuse pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle s'est exprimée au sujet des violences qu'elle subit dans son travail : " Ce sont les voisins qui me causent problème, lorsqu'ils se bagarrent, ils renversent ma marchandise et je me sens impuissante à réagir. "
Pour Hayat, 40 ans, veuve et mère de deux enfants, le cycle de la violence fondée sur le genre commence dès qu'elle sort de chez elle, chaque jour à 3h du matin, pour récupérer sa marchandise au marché central. "Le chauffeur de taxi me pose un tas de questions : pourquoi je sors à cette heure-ci, où je vais... Et cela finit souvent par des comportements inattendus et inappropriés," témoigne-t-elle. De plus, le manque d'éclairage adéquat dans les rues et l’espace publique ne fait qu’augmenter son sentiment d'insécurité.
La vie de Fatna, 52 ans, a basculé lorsqu'elle a été gravement brûlée à l'âge de 12 ans, entrainant une longue période de convalescence. Depuis, elle a rejoint sa mère pour vendre des légumes dans la rue afin de subvenir à leurs besoins. "Les conditions météorologiques sont l'un de nos plus grands défis," explique-t-elle, "Que ce soit la pluie qui détrempe nos marchandises ou la chaleur écrasante, nous devons affronter ces épreuves quotidiennement."
Les témoignages recueillis lors des focus groupes permettront d’identifier des actions concrètes pour réduire les violences faites aux marchandes ambulantes et des vendeuses de rue dans les espaces publics. Un atelier de formation de deux jours sera organisé pour les associations locales afin d’élaborer un mémorandum qui formulera des recommandations visant à reconnaitre le besoin d’agir et qui servira pour mener un plaidoyer auprès des acteurs institutionnels pour des politiques locales sensibles au genre et son intégration dans les programmes d’aménagement urbain.
Ce projet s'inscrit dans le cadre de l'initiative mondiale d'ONU Femmes "Des villes sûres et des espaces publics sûrs pour les femmes et les filles", qui œuvre pour prévenir et combattre le harcèlement sexuel et autres formes de violences faites aux femmes et aux filles dans l'espace public. Au Maroc, les villes de Rabat, Marrakech et Fès sont membres de cette initiative et s'engagent à garantir que les femmes et les filles vivent sans crainte de violence, leur permettant de participer pleinement à la vie sociale et économique de leur communauté et de jouir pleinement de leur droit à la ville.